Témoignages

Le deuil bien qu’inévitable est toujours difficile à surmonter.

Sur cette page nous insèrerons au fur et à mesure des témoignages de personnes venant de divers horizons  qui sont ou ont été confrontés au deuil dans leur vie privée ou professionnelle.

Recherchons témoignages !

Vous souhaitez témoigner? Vous avez vécu un drame et souhaitez apporter un regard constructif sur la manière de surmonter un drame? Vous êtes un professionnel régulièrement confronté à la mort ? Le deuil dans votre culture ou votre milieu socio-économique est perçu très différemment? Vous voulez mentionner des difficultés liés à un décès que l’on oublie souvent? Contactez-nous à info@lalyfoundation.com

Nous nous réservons le droit de ne pas publier les témoignages non pertinents ou qui dénigreraient d’autres communautés.

Témoignage de Valentine de le Court sur RCF

Pour écouter l’interview RCF qui parle du vécu, du don d’organes et de la fondation, cliquez sur le lien suivant:

Valentine de le Court autour de son vécu et de son association Laly.

 

Entre don d’organes et foi : entretien

Chers amis de la fondation,

 

Cela faisait un long moment que nous voulions vous présenter cette interview mais nous réfléchissions à la manière la plus adéquate de vous la restituer. Finalement il s’avère que les propos bruts sont bien plus criants de vérité qu’un article retravaillé.

Nous vous présentons donc les propos croisés de deux intervenants principaux dans l’épreuve du don d’organes -ou la joie aussi pour ceux qui en bénéficient : Dominique Van Deynse, Coordinateur du Centre de transplantation d’organes et de l’aumônier de Saint-Luc, le Père Guibert Terlinden.

La fondation Laly a souhaité leur demander comment la question de la foi s’entremêlait au don d’organes. Une question épineuse tant elle relève de l’intimité spirituelle de toutes les parties : médecins, famille des donneurs, avis du donneur de son vivant, receveurs, soignants, …

Les deux spécialistes unissent leurs voix et leurs propos en une magnifique cohésion philosophique et confessionnelle.

Nous vous laissons découvrir le texte et espérons que ce témoignage, qui vous plongera au plus profond de l’âme humaine, vous émouvra.

 

La fondation Laly

 

 

Avec l’aimable participation du Père Guibert Terlinden et de Dominique Van Deynse ; Valentine de le Court pour la Fondation Laly.

 

 

Interview

 

Vous côtoyez d’une part les familles en deuil et de l’autre celles qui ont un proche qui reçoit un don d’organe. Est-ce que ces échanges sont pour vous éprouvants et difficiles à vivre au quotidien ?

 

Dans le cadre d’une procédure de prélèvement, sachant que cela durera un certain nombre d’heures, il arrive fréquemment que l’on soit confronté à une bousculade des sentiments. Rencontrer une famille en deuil avec toute sa fragilité, sa difficulté, sa grande tristesse, et dans le tour d’horloge rencontrer l’exubérance du patient qui sera appelé pour lui annoncer qu’un organe lui a été attribué par Eurotransplant, …C’est vrai que ce sont des sentiments bousculés, bousculant et tellement beaux. Je pense que mes collègues sont confrontés exactement à la même chose. C’est vraiment cette rencontre intense des personnes dans son fondement. Ça amène aussi une manière de vivre qui est tout à fait perturbante bien sûr, mais la reconnaissance, d’après les témoignages, est totale.

Certains malades diront même qu’ils avaient une grosse maladie et qu’on leur en a greffé une différente plus petite , et c’est vrai que le fait d’avoir un suivi médical lourd, d’être immunodéprimé, etc. fait que l’on devient réceptif à d’autres choses qui peuvent paraitre moindres par rapport à une pathologie lourde et qui aurait été de toute façon mortelle.

C’est le propre même de la transplantation , d’être le dernier recours quand on est arrivé à la fin de tout traitement chirurgical et qu’il n’y a pas d’autres option possible. On est vraiment dans un contexte où, si on ne fait rien, la personne décède. Parfois le terme greffe porte à confusion, comme lorsque l’on parle de greffe d’utérus, ce qui est tout à fait différent. Il faut faire attention à la sémantique.

 

Est-ce que la foi des individus influence leurs décisions par rapport au choix du don d’organe ? Tant positivement que négativement ?

 

Oui, même si aucune religion monothéiste ne s’y oppose.

Au milieu des années 50 le Pape a soutenu la démarche alors que ce n’était que le début .

Cependant, nous sommes confrontés vis-à-vis du monde musulman a des refus. Il n’y a probablement pas d’avis soutenu et officiel dans leur religion. Il y a déjà eu des discussions avec l’imam de la maison mais sans conclusion. Il y a quelques années, un chirurgien musulman a fait un exposé brillant sur la transplantation et effectivement dit qu’il ne s’agit que d’interprétation car rien n’est dans les textes. Symboliquement ce n’est pas à l’humain de décider de l’heure de sa mort donc l’organe doit mourir de lui-même , la mort cérébrale ne suffit pas les concernant.

La question de fond du refus est de ne pas usurper Dieu en se trompant sur l’heure de la mort. Certains font confiance au médecin et d’autres non. Beaucoup évoquent même un soi-disant cas de mort cérébrale mal détecté afin de justifier ce propos.

A côté de cela, il y a également le fait d’accompagner le décès de la personne.

 

Lors de l’accident de Laly, il y avait des prêtres nuit et jour. Il a reçu tous les sacrements.

 

Nous avons eu une jeune bouddhiste qui est décédé et la famille a voulu qu’il y ait un accompagnement durant trois jours. Il y a du temps long parfois du trépas. Des soignants qui feraient les choses en dépit du bon sens se suicideraient spirituellement. Il est donc impossible de se blinder complètement. Ce sont des nouvelles questions que je porte. La question du trépas se discute avec les médecins car il y a un respect inconditionnel du temps humain.

 

Si l’on reprend les trois familles de chrétiens, où les gens sont a priori d’accord en ce qui concerne le don d’organes et ce, comparé aux gens qui n’ont pas la foi, est-ce que l’on voit une tendance de choix ? Est-ce que la foi fait que les gens se disent « de par notre foi, cela parait évident de faire ce don » et que par conséquent des personnes athées ont plus de difficulté à prendre une décision ?

 

Je ne saurais le dire, car lorsqu’une procédure est initiée, on sait rarement leurs sentiments à cet égard. Sont-ils du côté d’une foi ou sont-ils « sans foi » ? Ce n’est pas quelque chose qui est demandé. Cependant, à un moment donné, dans ce type de procédure la porte reste ouverte. Et que ce soient les collègues de soins intensifs ou ceux de réanimation qui laissent la porte ouverte pour leur demander s’ils veulent la présence d’un aumônier ou d’un ministre du culte ou quelqu’un d’autre, c’est souvent au moment où toute la réflexion du don a déjà été faite, donc je ne saurais pas dire, si le fait d’avoir la foi ou de ne pas l’avoir, pourrait faciliter le prélèvement d’organes. Je suis incapable de le dire.

Une phrase a été dite par des évêques en 1993 , mais elle n’a rien de religieux en elle-même et aurait pu être prononcée par quelqu’un d’autre: « Ce don est une possibilité fantastique d’exprimer la conviction d’appartenir à une même famille ». Par exemple pour les organes de Laly, tu n’as pas demandé qu’ils aillent dans une famille spécifique. Donc peut-être que les organes de Laly sont chez une jeune fille d’une autre confession ou un garçon d’une autre origine. C’est une idée que je trouve très belle. Une famille fondée sur l’humanisme et la solidarité de tous les membres de cette famille. La société contemporaine se dépasse et s’humanise. Et je trouve cela assez beau que les évêques n’en aient pas fait un dogme religieux. Les amis non croyants pensent aussi parfois « La mort est la mort donc autant que les organes servent ». C’est de l’altruisme direct.

Une des raisons que des personnes refusent d’emblée est peut-être le fait qu’ils refusent que cela aille chez certains. Il faut surpasser le racisme.

Pour en revenir à la question précédente, il s’agit peut-être de cette inconnue et cette objectivité d’Eurotransplant qui pose parfois problème.

 

Dans mon cas, comme les organes de Laly allaient à des enfants , c’était peut-être plus facile de faire ce choix car ils allaient dans tous les cas à des innocents. Je ne me suis donc pas posé cette question.

 

Après cela soulève la question de ce que ferons les enfants de ces « cadeaux » donnés…Mais le don reste inconditionnel.

 

Evidemment, mais le don est inconditionnel. Même juridiquement la donation est irréversible.

 

Oui, mais véritablement, on y pense. Mais c’est tellement vrai et tellement juste.

 

Je pense à ces enfants aussi, en espérant qu’ils ne vont par exemple pas fumer. J’espère également qu’ils sont tous vivants.

 

On a cette possibilité de parfois dire s’ils vont bien, on ne peut évidemment dire que la stricte vérité. Il y a par exemple cette maman dont le petit garçon est décédé et elle me téléphone régulièrement, d’abord pour discuter , un peu comme des amis et puis elle me demande des nouvelles pour être rassurée.

 

Est- ce que les gens greffés vous appellent aussi ?

Pour ?

 

Donner des nouvelles…

 

Eux viennent en consultation. On les voit par la force des choses. Inévitablement. Il y a un contact qui reste intense. Il n’y a pas de lien qui est fait vis-à-vis des membres du donneur vu qu’il n’y a pas de rencontre quelque part. En revanche des échanges de courrier, oui. Certains ont envie de remercier.

 

Quel est le pourcentage de dons qui sont envoyés en dehors de la Belgique et le pourcentage restant chez nous ? Nous sommes un si petit pays que je me dis qu’il doit y avoir beaucoup de dons qui ne trouvent pas preneur.

 

La majorité des organes restent en priorité dans le pays.

 

C’est vrai ?

Oui. Plus c’est loin , plus il y a de risques.

Mais disons qu’il y a dans l’algorithme tellement de points qui entrent en ligne de compte que la compatibilité donne bien sûr un certain nombre de points mais la distance en donne également. Et au plus on se rapproche, au plus on a de points. Notamment pour les reins, non seulement pour avoir un temps le plus court possible mais aussi car il y a une juste balance à effectuer et donc une grande partie des organes restent ici.

 

Si les gens reçoivent un organe, toute la famille change d’avis sur le don d’organes. Tout le monde devient pour le don d’organes, j’imagine ?

 

Parfois il y a des effets collatéraux sur d’autres gens également.

 

Par rapport à la vocation, il est intéressant de voir que la prêtrise mène à un grand nombre de choses différentes, mais l’aumônerie dans un hôpital est un choix tout à fait particulier. Pourquoi ce choix ?

 

Tous m’ont dit : « on célèbre des mariages, des baptêmes, mais on est complètement isolé quand on se trouve face à des malheurs à haut degré émotionnel et spirituel, comme la mort d’enfants et d’adolescents, les accidents, les suicides », et que par conséquent il s’agirait d’une belle voie. Et donc j’ai demandé l’autorisation d’emprunter cette voie à mon évêque et il m’a dit qu’il acceptait. Je n’avais jamais imaginé ça de ma vie. C’est grâce aux soignants que je suis arrivé ici. Auparavant, je n’avais jamais pensé qu’il y avait tant de besoins à l’hôpital.  Les soignants sont ma priorité depuis toujours, ils ont aussi besoin d’être soignés « spirituellement ». Il y a une vraie détresse de l’âme.

 

Au départ vous aviez fait une licence en psychologie ?

 

Non, j’ai commencé quand j’étais au séminaire. J’ai fait la psychologie et la théologie puis j’ai travaillé avec des autistes et ensuite j’ai fait trois ans de stages en psychiatrie.

 

Donc vous avez toujours été plus intéressé par l’humain plutôt que de faire des recherches ?

 

Oui, je me suis beaucoup intéressé aux milieux d’accueil d’handicapés mentaux, j’ai d’ailleurs contribué à fonder une unité scoute pour leur intégration lorsque j’étais jeune.

 

Quand vous aidez quelqu’un, vous aidez-vous de vos acquis en psychologie , de votre foi ou des deux ? Ou laissez-vous juste parler votre cœur ? Parlez-vous en tant que prêtre ou en tant qu’homme ?

 

Je ne sais plus séparer les deux. Chacun est son équation personnelle. Tout fait partie d’un ensemble. Il faut que la famille soit réceptive. Le Christ faisait cela aussi. Il faut qu’il y ait une interaction avec la personne concernée, quelque chose qui laisse une trace.

Un des plus beaux textes des Actes des Apôtres qui m’inspire dans mon intuition est celui de Pierre et Jacques qui arrivent au temple. Un mendiant les regarde s’attendant à recevoir des sous. Les gens chez qui l’on va en tant qu’aumônier s’attendent aussi à recevoir quelque chose. Et dans le texte, Pierre le regarde et lui dit « de l’argent je n’en ai pas, mais ce que j’ai-je te le donne au nom du Christ lève-toi ». Donc cela signifie que la seule chose que j’ai en main, c’est le nom du Christ qui fait lever les exclus, les marginaux, … C’est ma lecture de ma fonction, et dans mon équation personnelle, je porte le nom du Christ sans en être maître. Ça me frappe souvent. Mon travail d’aumônier est impossible à mettre en modèle. J’ai ici une équipe de plusieurs personnes donc si ça avait été quelqu’un d’autre cela aurait probablement été une rencontre humaine différente.

 

Je n’oublierai jamais qu’au milieu de la nuit, je m’étais mise à genoux, j’avais commencé le chapelet. Une infirmière est venue et s’est mise à prier avec moi. Quand je parle de Saint-Luc, c’est vraiment cela que j’évoque. C’est un souvenir qui marque. Lorsque l’on a fait les sacrements Laly, des soignants ont assisté à la messe et communié. D’un point de vue médical j’étais perdue car on n’arrêtait pas de me dire qu’on ne pouvait rien me dire, mais d’un point de vue spirituel par contre, ils étaient présents.

Il y avait d’ailleurs une charmante stagiaire psychologue chez qui on n’arrêtait pas de m’envoyer mais je n’avais pas « besoin » d’elle, je voulais les paroles spirituelles de prêtres ou scientifiques de médecins, mais le reste ne m’intéressait pas du tout. C’est aussi pour cela que dans la fondation, nous avons la bourse d’une part, pour essayer de comprendre et d’avancer en collaboration avec des médecins, et d’autre part des prêtres pour essayer d’avancer sur le pilier du deuil.

Mais ce qui m’a amusé par rapport à la psychologie du deuil, est que, quand on se sent mal, quand quelque chose ne va pas , je puisse concevoir qu’un psy soit très utile bien sûr, mais le fait est que Thomas et moi savons pourquoi nous sommes tristes. C’est très simple, notre enfant qu’on aimait est mort. Ce n’est pas une origine impossible à identifier.

De plus même si c’est étrange, socialement parlant, c’est extrêmement bien admis. Par exemple, la société accepte plus mal que l’on soit triste d’un divorce. Un deuil non reconnu est plus dur. Pour un deuil d’enfant, c’est mieux admis, les gens trouvent cela légitime et vous aident. Je ne suis pas contre aller voir un psy mais ici cela n’était pas utile, personne ne me rendra mon enfant.

 

C’est le modèle de l’hôpital qui fait que tu ais d’abord été envoyée chez un psy. On considère que tout problème doit être traité, tout problème a une solution. Les traditions spirituelles ne disent pas du tout cela, mais plutôt qu’un événement de la vie se traverse. Non seulement en cherchant en soi-même , mais aussi dans la prière, dans les grands récits, la grande tradition biblique afin de nourrir cette traversée. Le risque est aussi de mettre l’aumônier du côté de l’efficace. Il a fallu beaucoup de temps aux soignants pour accepter qu’il s’agisse de deux approches différentes.

 

Le fait de croire en la vie après la mort aide beaucoup dans le deuil je trouve.

 

Par rapport à la question de tout à l’heure, sur le fait que donner les organes de son enfant aide au deuil, un des risques serait qu’une des étapes du deuil soit difficile, notamment celle d’accepter que son enfant ne soit plus là dans le réel. On doit sentir que l’enfant est parti dans une autre réalité , un autre monde… Le risque est quelque part de maintenir l’enfant dans le réel car il vit maintenant au travers de plusieurs autres enfants. Si le deuil avait été pathologique, le fait de rechercher des traces à outrance de cette survivance est un risque.

C’est très difficile de répondre généralement à ce genre de questions.

 

Je ne veux pas les rencontrer mais je suis heureuse de savoir qu’ils vivent… Mais c’est sûr que si j’apprends qu’un enfant a eu une transplantation au moment de la mort de Laly, je gambergerais.

Est-ce qu’au sein de l’Eglise catholique le don d’organes a fait débat ?

 

Il y a eu dans les années 60 une résurgence sur la mort cérébrale mais il s’agissait d’un avis minoritaire. Saint-Thomas d’Aquin a d’ailleurs dit que les médecins avaient une part supérieure d’Esprit Saint.

 

Qu’est-ce que vous dites aux gens désemparés par un deuil ? Des choses précises ?

 

Une dame que j’avais rencontrée il y a 10 ans et que j’ai recroisé il y a quelques temps m’a dit que je lui avais dit exactement « ce qu’il fallait », mais c’était en réalité ce « qu’il lui fallait ».

 

Par rapport aux gens qui pensent que Dieu les a abandonnés, que leur dites-vous ?

 

Là je me permets de dire « de ce Dieu-là je suis profondément athée » et d’ailleurs vous avez dans la grande tradition le texte de Job qui commence par accepter la mort puis la colère monte et il dit « Si je savais où te trouver j’ouvrirais un procès devant toi ».

La famille est coincée entre « le devoir d’accepter » et le droit profond d’être en révolte. Job à la fin du texte dit « Je ne te connaissais que par ouï-dire , maintenant, je t’ai rencontré ». En disant cela, je permets, je pense, aux familles de rentrer dans le temps de la traversée avec ses hauts et bas.

Je préfère les gestes de compassion que les mots. J’aime le rituel de l’imposition des mains si les personnes sont d’accord. Les mots sont souvent de trop mais en même temps cela reste intéressant car nous sommes des êtres de culture enracinés dans des traditions qui nous ont précédé. Il y a des psaumes très forts mais tout le monde n’y est pas sensible.

J’aime aussi confirmer les parents dans le fait qu’ils sont des bons parents, ne pas laisser le doute s’installer, même s’il est là. Beaucoup d’humains ont des représentations particulières et l’aumônier aider à mettre de l’ordre.

 

Par rapport au sacrement des malades, Laly l’a reçu en étant dans le coma. Normalement ne doit-il pas être conscient ?

 

En ce qui me concerne , je ne ferais plus le sacrement des malades pour un enfant dans ce cas -là, mais uniquement la confirmation afin de « confirmer » sa place dans la communauté chrétienne et humaine. De là, il peut recevoir éventuellement le sacrement des malades mais il s’agit plutôt d’une réflexion spirituelle. Les sacrements sont une façon de dire que la destinée d’un humain, par un geste rituel, a toute sa consistance du point de vue de Dieu. On lie cela à la mort et la résurrection. Nous avons dans la chapelle une représentation du tombeau ouvert, cela veut dire que la mort n’a pas le dernier mot. La vie surgit de la mort.

Le sacrement des malades est assez peu donné. Il l’est tous les deux mois à la messe. Il est aussi donné pour aider à un moment de la vie pour une avancer dans nouvelle traversée. La confirmation a une portée différente.

Ce qui me frappe dans la médecine d’aujourd’hui est qu’elle peut décider de l’heure de la mort. Quelqu’un qui rentre en soins palliatifs, il sait qu’il doit ou va mourir. Lorsqu’on prélève les organes, on sait aussi l’heure exacte de la mort.

 

Dans les populations primitives , souvent ils savent d’avance lorsqu’ils vont mourir. Il y a beaucoup de témoignages en ce sens. Ces gens sont très connectés. Je trouve les soins palliatifs très beaux , cela permet à la personne de vivre sa vie jusqu’au bout dans une certaine dignité.

 

Là où les psychologues prennent leur place est pour faire en sorte que l’on meure « bien » , on retombe dans ce concept de médecine efficace, le spirituel est lui dans une toute autre dimension, d’où son intérêt.

 

Merci beaucoup pour l’interview.

Valentine de le Court témoigne dans l'émission "En quête de sens - Il était une 'foi' "

Ecoutez le témoignage de Valentine sur le deuil et la fondation Laly sur le lien:

Pour nos amis néerlandophones

Suite à notre appel à témoigner , une de nos lectrices néerlandophone nous a fait part du projet de Lieve Blancquaert « Hoe de wereld afscheid neemt Last Days »

L’initiatrice du projet, photographe au départ, s’immerge dans différentes cultures pour témoigner de moments particuliers « de passage  » ou de changements importants qui ont lieu dans celles-ci.

Si vous voulez en savoir plus, n’hésitez pas à consulter le lien suivant: Last Days

 

Au fil de l'oubli

Une fois n’est pas coutume, et bien que nous préférions d’habitude publier le texte intégralement, nous vous présentons ici le livre « Au fil de l’oubli » de Béatrice Papeians qui témoigne aussi sobrement que profondément de la douleur de perdre un proche atteint d’Alzheimer. Il nous est impossible de vous résumer celui-ci sans trop en dévoiler. L’histoire vous plongera au cœur de l’intimité d’un couple et ne pourra que vous toucher par sa véracité.

Le livre est en vente au profit de la fondation « Baluchon Alzheimer » http://www.baluchon-alzheimer.be/ N’hésitez pas à les contacter pour plus d’informations à info@baluchon-alzheimer.be

Update octobre 2019:

Madame Béatrice Papeians a tenu à témoigner concernant nos récents articles sur le deuil:

« Je ne sais, si je puis apporter une pierre à l’édifice sur thème de la culpabilité après un deuil.  Ce sentiment de culpabilité ne m’ a pas traversé, ni ébranlé après la rude et longue maladie d’Eric. Eric s’est éteint, il y a trois ans maintenant.  J’ aime à retrouver Eric dans une église, c’est notre rendez vous secret . Il est encore et toujours le témoin de mon quotidien, je le sens. Eric veille sur les siens avec Amour. Sa présence est protectrice et son désir de me voir heureuse est palpable . Oui, je suis heureuse de sa présence, même de l’ autre côté du miroir. Voilà tout et c’est beaucoup !  »

 

Sandrine de Montmort: La perte de mon fils

J’ai eu besoin d’écrire et réécrire cette épreuve pour me repérer dans cette épreuve qui m’a paru longtemps insurmontable. J’ai même écrit un journal pour ne pas sombrer dans la folie, me raccrocher à des mots, à des faits.

Un matin, je me suis réveillée et j’ai retrouvé mon fils, mon bébé, mort dans son berceau. C’est dur de décrire ce moment-là, où la vision est tellement violente que vous tombez à genoux où les larmes ne coulent pas parce que plus un seul organe de votre corps ne fonctionne, même vos doigts ne sont plus capables de pianoter un numéro de téléphone pour appeler à l’aide. La réalité, ma réalité, devenait une autre, je voyais flou. Quelqu’un a mis sur une pause et ma vie s’est arrêtée ce jour-là.

Elle a redémarré depuis mais dans une autre dimension.

Ce qui compte ce n’est pas combien j’ai souffert, comment j’ai trouvé cela injuste et frustrant et à quel point certaines phrases maladroites m’ont mise en colère.  Oui, il ne faut pas croire que ceux que vous aimez vont toujours trouver des mots justes pour vous réconforter, il y a ces phrases bêtes qui vous donnent envie de tout envoyer balader. A ce moment-là de votre vie, peu sont ceux qui vous comprennent et vous aident.

Ce qui compte c’est comment j’ai retrouvé le goût de la vie.

D’abord il y a le temps qui rend le cours de la vie moins insupportable, il faut s’armer de patience et surtout ne pas perdre espoir. Je me demandais souvent quand j’allais retrouver le goût des choses, de la nourriture, de la vie. Il faut ne pas être trop dur envers soi-même et accepter que cela va être long et que le deuil ne se fera pas en 3 mois !

Ensuite il faut lutter contre la culpabilité qui vous brise doucement et se faire aider par un psy, un hypnotiseur… J’ai mis 10 ans à me pardonner de quelque chose pour laquelle je n’étais pour rien mais ma religion judéo-chrétienne nous plonge dans cet état de culpabilité permanente. Je me demandais ce que j’avais pu faire pour mériter cela.

Encore aujourd’hui j’ai du mal à prendre du plaisir et à me lâcher de honte d’être vivante et pas lui; mais je me reprends et je lutte.

Je pense qu’il est essentiel de voir des gens qui vous écoutent et qui ne vous font pas la morale même si vous vous écroulez. Il faut un entourage bienveillant et gai. Et si vous connaissez des gens qui ont perdu un enfant et qui s’en sont sortis, voyez-les. S’il y a un bien moment dans votre vie ou il faut s’occuper de vous, c’est celui-là, où il faut ne pas avoir peur de faire une pause pour se chouchouter.

Il est essentiel de demander de l’aide, d’accepter qu’il y ait des jours qui seront durs et d’autres moins, que cela fait partie d’un long processus avec des moments compliqués. Si mon truc à moi c’est d’aller tout le temps au cimetière et de me passionner pour la vie après la vie, c ‘était mon droit et mon choix. Les gens pouvaient penser ce qu’ils voulaient.

Alors je vais mieux, je suis à nouveau gaie enthousiaste et pleine de vie à part aux dates anniversaires mais j’aime ma vie et ce que je suis devenue. Bien sûr je garde des traces de mon drame, je stresse plus qu’une maman normale, je m’inquiète pour le moindre truc quand mes enfants sont loin ou malades. Je sais que les accidents n’arrivent pas qu’aux autres. Aujourd’hui ce qui compte c’est le chemin parcouru et je me dis que mon fils serait fier de moi.

Sandrine de Montmort a créé le site Sandsab  sur lequel vous trouverez des vidéos pour le bien-être du corps et de l’esprit. Certaines vidéos parlent de l’expérience du deuil. 

Dominique Janthial, parole d'un prêtre sur le deuil

Orphelin de mère à l’âge de 5 ans, ai-je beaucoup pensé à elle au cours de mon enfance ? La réponse la plus honnête est sans doute « non ». J’étais un enfant joyeux et il me semble avec le recul qu’ayant été impliqué dans l’accident qui avait causé non seulement sa mort mais aussi celle de mes deux grands-parents maternels, j’avais sans doute, inconsciemment mais très résolument, fait le choix de la vie, cette vie d’ici-bas. Les joies, les plaisirs, les affections dont j’avais besoin je les cherchais et, la plupart du temps, les trouvais ici-bas. Sans douter une seconde de l’existence d’un Ciel où se trouvaient tous mes chers disparus, je n’y pensais presque jamais sauf peut-être lors de la messe dominicale à la prière pour les défunts. En revanche, dans mes rêves, ces personnes disparues m’apparaissaient bien vivantes et cela suffisait à maintenir le contact, à ce qu’elles continuent à faire partie de ma vie même des années après leur départ.

À l’âge de vingt ans, j’eus l’occasion d’écouter le témoignage d’une mère de famille qui avait perdu un enfant par noyade quelques années plus tôt. Coïncidence, cet enfant portait le même prénom que le mien. C’est un peu comme s’il m’était donné de découvrir dans l’envers du décor, une situation inverse de la mienne : que se serait-il passé si c’était moi qui était parti ? Dans son témoignage, cette maman insistait beaucoup sur le fait que depuis la mort de son fils, elle avait comme « un pied dans le Ciel », elle vivait dans une communication et une proximité de tous les instants avec l’au-delà et cela avait, disait-elle embelli sa vie malgré l’immense douleur causée par la séparation. De fait, elle rayonnait d’une joie assez saisissante pour quelqu’un qui avait vécu pareille épreuve. La « stratégie » adoptée – si l’on peut parler ainsi s’agissant de mécanismes essentiellement inconscients – n’était clairement pas la même pourtant le résultat était aussi positif, aussi vivant.

Ce témoignage fit d’un coup tomber la barrière que j’avais mise entre ce monde et le Ciel. Arrivé à l’âge adulte j’ai été ainsi amené à relire ma propre histoire en me posant la question de ce qui s’était passé. D’où venait cette énergie qui surprenait réellement ceux qui me rencontraient : Un jour, par exemple, un ami de mes parents était venu passer quelque jour chez nous et, en partant, m’avait fait cette remarque : « Au fond toi tu es toujours heureux ! » Ma petite enquête m’a conduit à comprendre que j’avais sans doute fait comme tous les enfants qui entendent inconsciemment les désirs que leurs parents ont sur eux : Maman, du haut du Ciel, m’avait intimé l’ordre de vivre et d’être heureux et, comme un bon garçon, j’avais obéi.

Le temps a passé et je suis devenu prêtre. Dans le ministère que j’exerce depuis maintenant plus de vingt ans, j’ai à maintes reprises rencontré et accompagné pour des périodes plus ou moins longues des parents qui avaient perdu un enfant. Il ne s’agit jamais d’un deuil ordinaire qui passerait par ses différentes phases bien connues – choc, révolte, dépression, récupération – parce que le rapport de filiation et de parentalité est constitutif de notre identité, de notre être profond. C’est pourquoi le deuil d’un enfant introduit qu’on le veuille ou non dans un nouveau mode d’être, un mode d’être dans lequel la barrière avec le Ciel est abolie et où l’enfant a quelque chose à dire et à apporter à la vie de ses parents.

Et tout se joue dans la capacité des parents d’entendre cette voix qui vient de l’au-delà. Cette petite voix de l’enfant qui a quitté les bras de ses parents pour les bras du Père ne leur demande pas nécessairement d’être le centre exclusif de leur mémoire et de leurs préoccupations, bien souvent elle leur demande au contraire d’avoir un autre enfant, de s’intéresser à ceux qui partagent la même douleur qu’eux mais aussi de savoir de temps à autre être futiles, s’amuser, se divertir. Parvenu de l’autre côté du voile, l’enfant souhaite que ses parents continuent de vivre et soient heureux car il est lui-même dans la vie et ne peut que communiquer cette vie à ceux qu’il aime. Pour parvenir à percevoir cela, il est parfois nécessaire de s’arrêter dans le silence et la prière pour que l’oreille intérieure s’affine tandis que la tendresse de Dieu donne la force d’opérer le détachement que cela représente.

Vidéo: La mort, c'est juste une marche

Témoignage vidéo sur l’approche de la mort.

Camille Rochet, psychologue

Camille Rochet, psychologue de renom pour le Huffington Post, fondatrice du site « Anoustous » et conférencière sur le deuil pour la fondation Laly, nous a gentiment autorisés en guise de témoignage de son vécu professionnel à référencer les articles et vidéos suivants qu’elle a publiés sur son site:

Comment faire face au deuil

Les différentes étapes du deuil à connaître pour en sortir…

Comment accompagner mon enfant lors d’un deuil?

Quels mots employer pour parler de la mort aux enfants?

Témoignage d'un père

Soucieux de trouver de nouvelles informations sur les piliers de la fondation, nous avons découvert le témoignage de l’anglais Richard Pringle que nous vous relayons.

 

  1. Vous ne pourrez jamais trop embrasser ni trop aimer.
  2. Vous avez toujours le temps. Arrêtez ce que vous faites et jouez, même si ce n’est que pour une poignée de minutes. Rien n’est plus important. Le reste peut attendre.
  3. Prenez autant de photos et enregistrez autant de vidéos que possible. Un jour, ça pourrait être tout ce qui vous reste.
  4. Ne dépensez pas d’argent, prenez du temps. Vous pensez que ce que vous dépensez importe ? Ce n’est pas le cas. Sautez dans les flaques d’eau, faites des promenades, nagez dans la mer, construisez un camp et amusez-vous. C’est tout ce que veulent vos enfants. Je ne me souviens pas de ce que nous avons acheté à Hughie. Je ne me souviens que de ce que nous avons fait.
  5. Chantez des chansons ensemble. Mes souvenirs les plus heureux, c’est Hughie assis sur mes épaules ou assis à côté de moi dans la voiture en chantant nos chansons préférées. La musique crée des souvenirs.
  6. Chérissez chaque instant. Les nuits, les moments du coucher, les lectures d’histoires, les repas, les dimanches paresseux. Chérissez les moments simples. Ils sont ce qui me manque le plus. Ne les laissez pas devenir insignifiants.
  7. Embrassez toujours ceux que vous aimez au moment de leur dire au revoir et, si vous oubliez, faites demi-tour et embrassez-les. Vous ne savez jamais si c’est la dernière fois que vous avez cette chance.
  8. Transformez les choses ennuyeuses en moments amusants. Les courses, les voyages en voiture, les promenades dans les magasins. Soyez stupide, racontez des blagues, riez, souriez et amusez-vous. Autrement, ce ne sont que des corvées. La vie est trop courte pour ne pas s’amuser.
  9. Tenez un journal. Notez tout ce que vos petits font et qui illumine votre monde. Les choses drôles qu’ils disent, les choses mignonnes qu’ils font. Nous n’avons commencé à faire cela qu’après avoir perdu Hughie. Nous voulions nous souvenir de tout. Maintenant, nous le faisons pour Hettie et nous le ferons également pour Hennie. Vous aurez ces souvenirs écrits pour toujours et, lorsque vous serez plus âgé, vous pourrez regarder en arrière et apprécier chaque instant.
  10. Si vous avez vos enfants avec vous, que vous leur faites un bisou le soir, que vous partagez le petit-déjeuner avec eux, que vous les emmenez à l’école, que vous allez les chercher à l’université, que vous assistez à leur mariage… Vous êtes bénis. N’oubliez jamais cela.

Source: http://www.mirror.co.uk/news/real-life-stories/the-10-most-important-things-11047370 

Texte d'un pèlerin. Article de Sabine Harreau publié dans Pèlerin le 11 octobre 2017.

Nous avons découvert cert article dans Pèlerin et souhaitions vous le relayer.

Étienne et Emmanuelle de Lagarde, avec leurs trois filles et un âne, viennent d’effectuer un pèlerinage de cinq mois vers Compostelle et Fatima : 1400 km à pied pour faire le deuil de Maÿlis, leur quatrième enfant, subitement disparue.

Pèlerin. C’est un drame familial qui est à l’origine de votre pèlerinage…

Le 26 août 2016, alors que nous achevions nos vacances d’été, notre petite Maÿlis, âgée de 2 ans et demi, s’est étouffée accidentellement avec un caillou. Stupeur pour Emmanuelle, violence de la scène pour nos aînées Victoire et Pia, culpabilité de l’absence pour Étienne, et choc intra-utérin pour la petite Sophie qui allait naître deux mois plus tard. La brutalité de cet événement nous a fait prendre conscience de la fragilité de l’existence que nous devons vivre ici et maintenant, et non dans l’attente perpétuelle de grands projets.

Comment est né votre projet de pèlerinage ?

Nous avons très vite ressenti le besoin de vivre quelque chose de fort : le quotidien ne pouvait pas reprendre immédiatement. Le déclic s’est produit quand Étienne a su qu’un ami partait à Rome en voyage de noces. Nous avons eu deux certitudes. D’abord il nous fallait partir en famille, à pied et au long cours. Ensuite, le retour étant aussi important que l’aller, nous le ferions aussi à pied. Nous avons alors cherché un sanctuaire que nous pouvions atteindre au départ de chez nous dans le Gers : Compostelle (Espagne), puis Fatima (Portugal) pour célébrer le centenaire des apparitions.

Restait à trouver un mode de transport adapté au chemin, pouvant embarquer les bagages et les enfants. Nous avons envisagé la voiturette électrique, le tracteur-tondeuse et l’âne attelé… Finalement, Jacques Clouteau (pèlerin et éditeur des célèbres guides Miam-Miam Dodo) nous a procuré la solution en nous donnant le prototype de l’Escargoline, à restaurer et à modifier selon nos besoins. Une merveilleuse machine qui était la seule capable de nous mener à bon port.

Quelles routes avez-vous suivies ?

Pour entamer rapidement notre pèlerinage, nous avons dû démarrer de l’autre côté des Pyrénées. Nous avons donc commencé dans un froid glaçant, à Burgos, en Espagne, le 10 mars 2017,  à peine préparés mais au pied du mur. Nous pensions passer quelques jours sur le chemin de Saint-Jacques pour nous roder, puis obliquer vers Fatima. Finalement, la lourdeur de la logistique familiale nous a incités à profiter des infrastructures du Camino francés jusqu’au bout.

Avec le secours de l’apôtre saint Jacques, nous avons ensuite trouvé l’énergie de poursuivre jusqu’à Fatima en longeant la côte et en dormant essentiellement dans des campings. A partir de ce moment, notre famille a trouvé son rythme, et nous abattions nos 25 kilomètres quotidiens. Le retour a été un véritable bonheur avec la découverte du Portugal intérieur et de l’hospitalité des habitants, que nous aimons qualifier de « gratuite et abondante ». Enfin, nous avons terminé notre pèlerinage par une pause symbolique à l’abbaye bénédictine de Maylis (Landes), 120 km avant notre arrivée, en hommage à notre petite fille disparue et en action de grâce pour ce long voyage. Et nous sommes arrivés chez nous le 28 juillet 2017, après 20 semaines de marche.

Comment avez-vous vécu le dépouillement inhérent à tout pèlerinage ?

Tout d’abord, matériellement. Nous avons quitté nos habitudes et notre confort pour un mètre cube d’affaires. C’était le strict minimum pour un départ en fin d’hiver avec enfants et bébé, car nous avions toute la Meseta (haut-plateau situé au centre de la péninsule Ibérique) espagnole à traverser, avec ses 900 mètres d’altitude et ses nuits glaciales. Mais trois semaines plus tard, nous avons dû nous délester pour soulager notre âne. Deux semaines après, nous avons sectionné notre petite carriole des deux tiers. Enfin, à Saint-Jacques-de-Compostelle, l’arrivée de l’été nous a aidés à nous alléger encore.

Sur la route du retour, en arrivant en France, nous nous sommes totalement séparés de notre carriole. Les filles sont montées sur l’âne sellé, et chacun a porté sa tenue de rechange, et sa brosse à dents dans la poche.

Ce pèlerinage nous a fait comprendre que Maÿlis était finalement là où nous souhaitons tous être un jour

Retour, donc, les mains vides ! Mais notre plus grand dépouillement n’a-t-il pas été celui de la perte de notre fille ? Ce pèlerinage nous a aidés à le vivre avec les yeux du cœur et de la foi, source d’une mystérieuse joie qui nous a fait comprendre que Maÿlis était finalement là où nous souhaitons tous être un jour. Le Ciel nous est en quelque sorte devenu un peu plus proche…

Comment le travail de deuil s’est-il effectué ?

Sur le chemin de l’aller, nous avons beaucoup prié et médité en silence sur les événements. Nous avons mis en place des petits jeux pour faire parler les filles sur les souvenirs qu’elles avaient de leur sœur et sur l’accident. Puis nous avons tout confié au Cœur immaculé de Marie en lui demandant explicitement de prendre et de brûler à jamais notre douleur, et de nous laisser repartir du sanctuaire de Fatima apaisés et prêts à nous reconstruire.

Comment vos filles ont-elles vécu ce pèlerinage ?

Victoire et Pia, âgées de 5 ans et 6 ans pendant le voyage, n’en revenaient pas de la présence et de la disponibilité de leurs parents. A la maison, nous sommes souvent « là » mais indisponibles.

Face à une situation compliquée, la vie ne s’arrête pas

C’est peut-être ce qui a le plus transformées toute notre famille. Encore dans l’insouciance et l’abandon propres à l’enfance, nos filles ont aussi vécu nos aventures impromptues ou cocasses comme un grand jeu. Elles ont aussi appris que, face à une situation compliquée, la vie ne s’arrête pas : à chaque problème une solution. Une leçon pour la vie !

Ce voyage a-t-il suggéré de nouvelles bases pour refonder votre projet familial ?

Nous avons reçu à Fatima un immense cadeau : celui de découvrir les appels du message de Fatima pour la famille. Nous avons été édifiés par la lecture des Mémoires de sœur Lucie, une des voyantes, sur ce sujet. Nous qui tenions à faire le chemin du retour pour « pèleriner vers chez nous » et reconstruire un projet familial, notre modèle était tout trouvé : celui des familles des trois voyants (François, Jacinthe et sœur Lucie), qui sont des « autoroutes » directes vers le Ciel par leur vie simple, authentique et tournée vers Dieu.

Deux mois après votre retour, commencez-vous à récolter les fruits de ce pèlerinage ?

A notre retour, nous avons pleinement rechoisi notre quotidien, accompagnés de la présence intérieure mais tellement concrète de Maÿlis dans nos cœurs. Nous nous nourrissons chaque jour de cette paix profonde reçue à Fatima. Nous faisons des choix exigeants pour mettre Dieu et la famille à la première place avec les moyens très concrets proposés par sœur Lucie qui sont aujourd’hui comme la colonne vertébrale de notre vie de foyer. Et nous en remercions Celui qui continue à guider nos pas !

Texte écrit par une anonyme relayé sur le net que nous avons trouvé très touchant

« 1 jours,1semaine,1mois, 6mois, 1 an, 2 ans, 5 ans, 10 ans, 20 ans même, nous séparent du départ de notre enfant et nous, parents en deuil, avons besoin des autres.

Bien que nous ne soyons pas faciles à vivre, nous aimerions rencontrer de la compréhension dans notre entourage ; nous avons besoin de soutien.

Nous aimerions que vous n’ayez pas de réserve à prononcer le nom de notre enfant mort, à nous parler de lui. Il a vécu, il est important encore pour nous ; nous avons besoin d’entendre son nom et de parler de lui ; alors, ne détournez pas la conversation. Cela nous serait doux, cela nous ferait sentir sa mystérieuse présence. Si nous sommes émus, que les larmes nous inondent le visage quand vous évoquez son souvenir, soyez sûr que ce n’est pas parce que vous nous avez blessé. C’est sa mort qui nous fait pleurer, il nous manque !

Merci à vous de nous avoir permis de pleurer, car, chaque fois, notre cœur guérit un peu plus. Nous aimerions que vous n’essayiez pas d’oublier notre enfant, d’en effacer le souvenir chez vous en éliminant sa photo, ses dessins et autres cadeaux qu’il vous a fait. Pour nous ce serait le faire mourir une seconde fois.

Être parent en deuil n’est pas contagieux ; ne vous éloignez pas de nous. Nous aimerions que vous sachiez que la perte d’un enfant est différente de toutes les autres pertes ; c’est la pire des tragédies. Ne la comparez pas à la perte d’un parent, d’un conjoint ou d’un animal.

Ne comptez pas que dans un an nous serons guéris ; nous ne serons jamais, ni ex-mère, ni ex-père de notre enfant décédé, ni guéri. Nous apprendrons à survivre à sa mort et à revivre malgré ou avec son absence. Nous aurons des hauts et des bas. Ne croyez pas trop vite que notre deuil est fini ou au contraire que nous avons besoin de soins psychiatrique. Ne nous proposez ni médicaments ni alcool ; ce ne sont que des béquilles temporaires.

Le seul moyen de traverser un deuil, c’est de le vivre. Il faut accepter de souffrir avant de guérir. Nous espérons que vous admettrez nos réactions physiques dans le deuil.

Peut-être allons-nous prendre ou perdre un peu de poids, dormir comme une marmotte ou devenir insomniaques.

Le deuil rend vulnérable, sujet aux maladies et aux accidents.

Sachez, aussi, que tout ce que nous faisons et que vous trouvez un peu fou est tout à fait normal pendant un deuil ; la dépression, la colère, la culpabilité, la frustration, le désespoir et la remise en question des croyances et des valeurs fondamentales sont des étapes du deuil d’un enfant.

Essayez de nous accepter dans l’état où nous sommes momentanément sans vous froisser.

Il est normal que la mort d’un enfant remette en question nos valeurs et nos croyances.

Laisse-nous remettre notre religion en question et retrouver une nouvelle harmonie avec celle-ci sans nous culpabiliser.

Nous aimerions que vous compreniez que le deuil transforme une personne.

Nous ne serons plus celle ou celui que noue étions avant la mort de notre enfant et nous ne le serons plus jamais.

Si vous attendez que nous revenions comme avant vous serez toujours frustré.

Nous devenons des personnes nouvelles avec de nouvelles valeurs, de nouveaux rêves, de nouvelles aspirations et de nouvelles croyances. Nous vous en prions, efforcez-vous de refaire connaissance avec nous ; peut-être nous apprécierez-vous de nouveau?

Le jour anniversaire de la naissance notre enfant et celui de son décès sont très difficiles à vivre pour nous, de même que les autres fêtes et les vacances.

Nous aimerions qu’en ces occasions vous puissiez nous dire que vous pensez aussi à notre enfant.

Quand nous sommes tranquille et réservés, sachez que souvent nous pensons à lui ; alors, ne vous efforcez pas de nous divertir.

Les mots exacts pour le dire.

Je vous en prie, ne me demandez pas si j’ai réussi à le surmonter, Je ne le surmonterai jamais.

Je vous en prie, ne me dites pas qu’il est mieux là où il est maintenant, Il n’est pas ici auprès de moi.

Je vous en prie, ne me dites pas qu’il ne souffre plus, Je n’ai toujours pas accepté qu’il ait dû souffrir.

Je vous en prie, ne me dites pas que vous savez ce que je ressens, A moins que vous aussi, vous ayez perdu un enfant.

Je vous en prie, ne me demandez pas de guérir, Le deuil n’est pas une maladie dont on peut se débarrasser. Je vous en prie, ne me dites pas « Au moins vous l’avez eu pendant tel nombre d’années », Selon vous, à quel âge votre enfant devrait-il mourir ?

Je vous en prie, ne me dites pas que Dieu n’inflige pas plus que ce que l’homme peut supporter.

Je vous en prie, dites-moi simplement que vous êtes désolés.

Je vous en prie, dites-moi simplement que vous vous souvenez de mon enfant, si vous vous rappelez de lui.

Je vous en prie, laissez-moi simplement parler de mon enfant.

Je vous en prie, mentionnez le nom de mon enfant.

Je vous en prie, laissez-moi simplement pleurer. »

M.

Texte de Laurent Ledoux: Intégration de la mort dans la vie

Il y a quelques temps , nous avons lu ce texte de Laurent Ledoux dans sa newsletter et lui avons demandé de le publier. Nous vous en souhaitons bonne lecture.

Malgré les progrès fulgurants et bienvenus de la science ces dernières décennies pour repousser la mort, malgré les dérives folles du mouvement transhumaniste qui veut éradiquer la mort, je rencontre un nombre croissant de personnes qui pensent, comme moi, que la mort ne s’oppose pas à la vie et qu’au contraire, il est nécessaire de la voir pour ce qu’elle est : un état de la vie.

Dans « Cinq méditations sur la mort – autrement dit sur la vie », François Cheng nous aide ainsi à ressentir (pas seulement à comprendre), par la poésie de sa plume, que « la mort n’étant que la cessation d’un certain état de vie, elle n’existerait pas si n’existait la vie. La mort corporelle, inéluctable, révèle paradoxalement la vie comme le réel principe absolu. Il n’y a qu’une seule aventure, celle de la vie. » Sur ce point, comme sur beaucoup d’autres, Spinoza (« L’essence de la vie est éternelle ») rejoint Laozi (« La vie engendre la vie, il n’y aura pas de fin »).

Intégrer la mort dans la vie ne se réduit pourtant pas, n’en déplaise aux transhumanistes, à se résigner face à l’inéluctabilité de notre mort corporelle, et encore moins à accepter que doivent périr certains pour assurer l’avenir et la prospérité d’autres.

Envisager la vie à partir d’une compréhension approfondie de la mort, de notre mort, nous permet au contraire de prendre mieux part à la grande aventure de la vie : la conscience de notre mort provoque en nous une « ouverture » susceptible de transformer chaque moment de notre vie en un élan vers la vie et de faire naître en nous, selon Cheng, trois désirs irrépressibles : un désir de réalisation, un désir de dépassement et un désir de transcendance :

  • Le désir de réalisation nous invite à concevoir un projet de vie, qui donne un « sens » à notre vie (dans le mot « sens », il faut entendre les trois acceptions qu’il possède en français : « sensation », « direction », et « signification »).
  • Le désir de dépassement nous invite à un effort pour sortir de notre condition ordinaire, et cet effort est l’une ou l’autre passion dont les trois plus hautes (passions d’aventure, d’héroïsme ou d’amour) peuvent mettre en jeu la vie de celui ou celle qui s’y engage : l’épreuve de la mort y est un risque à courir, une preuve de la grandeur humaine.
  • Le désir de transcendance nous invite en quelque sorte à « mourir à nous-mêmes », durant notre vie terrestre, à nous « désidentifier » de notre « moi » étroit et clos, du rôle quelque peu étriqué que nous jouons dans l’existence, pour accéder à une forme de vie plus libre, plus ouverte, la « vraie » vie (toutes les grandes sagesses et religions ne nous invitent-elles pas à « mourir avant de mourir », à mourir à nous-mêmes avant de mourir corporellement ? Invitation que le poète John Keats a résumé magnifiquement par : « La terre est une vallée où poussent les âmes »). C’est ce désir qui a fait surgir de tout temps des figures admirables qui acceptent de donner leur vie pour témoigner que l’amour absolu est possible, qu’il est plus fort même que la mort. Avec eux, écrit Cheng, « la mort n’est plus seulement la preuve de l’absolu de la vie mais celle de l’amour. […], la mort change de nature et de dimension : elle devient l’ouverture par où passe l’infini souffle de la transfiguration. […], la mort se transforme en vraie naissance. ».

Cette dernière année j’ai choisi de faire le deuil de certaines personnes et de certaines relations. Outre les merveilleux essais et romans de Cheng, plusieurs œuvres m’ont aidé à traverser ces épreuves et à entrevoir en quoi l’intégration de la mort dans la vie permet de nous transformer et de vivre un peu plus la « vraie » vie. Sans chercher à être exhaustif, je pense en particulier aux films « A hidden life » de Terence Malick, « 1917 » de Sam Mendes, « Jojo Rabbit » de Taika Waititi et aux romans « Le maître et Marguerite » de Mikhaïl Boulgakov et « Le soleil des Scorta » de Laurent Gaudé.