Résultat de projet de recherche 1

Etude rétrospective des caractéristiques d’enfants avec traumatisme crânien à la suite d’une chute de grande hauteur

1. Idée originale et développement

La fondation a dans ses piliers la recherche neurologique. En effet, nous considérons que c’est un domaine dans lequel énormément de découvertes restent à faire. Le sujet qui nous intéressait particulièrement était d’étudier les traumatismes crâniens dus à des chutes de grande hauteur, leurs conséquences et ce qui pouvait être effectué en pratique afin d’améliorer leur prise en charge.

Dans un premier temps il a été question de réfléchir à la mise en place concrète de ce projet. Sur ce point, la fondation Saint-Luc, que nous remercions, nous a été d’une grande aide en tenant le rôle d’ intermédiaire entre notre fondation et l’équipe de recherche.

Il a fallu également déterminer un cadre précis. Un certain nombre d’études ayant déjà été faites sur le sujet, il fallait pouvoir trouver un angle de recherche qui soit novateur.

La mise en place du projet a été longue au vu de la difficulté du sujet et du nombre de dossiers à sélectionner et compte tenu du fait qu’il s’agissait de la première fois qu’une étude de ce type était réalisée à l’échelle de la Belgique.

Toutefois malgré ces complexités, nous pouvons maintenant vous communiquer les résultats que vous trouverez dans les points ci-dessous.

2. Intervenants

Cette étude est un projet initié et financé par la fondation Laly, mis en œuvre en collaboration avec :

– La Fondation Saint-Luc

– Le Professeur M-C Nassogne et le Dr Ch. El Kosseifi, Service de neuropédiatrie des Cliniques Universitaires Saint-Luc

– Le Professeur L. Rousselle et Lise Desmottes, Université de Liège, Faculté de psychologie, Unité de recherche Enfances

3. Recherche

  • Objectifs et méthodologie

La finalité de ce projet de recherche est d’étudier les facteurs qui influencent le pronostic à court et à plus long terme des enfants victimes de traumatisme crânien afin de pouvoir optimiser leur prise en charge durant la phase aiguë du traumatisme. Le projet se décline en deux phases successives: (1) une phase d’étude rétrospective basée sur l’analyse des dossiers d’une cohorte d’enfants ayant été victimes d’une chute de grande hauteur (2) une phase d’étude prospective ayant pour objectif d’évaluer les séquelles motrices, sensorielles et cognitives (troubles attentionnels, mnésiques, et des apprentissages, etc.) subsistants ou émergeants dans la trajectoire de développement de ces enfants à plus long terme.

Le présent rapport porte sur la première phase du projet, financée pour une période de 6 mois à raison de 2 jours/semaine. Etant donné la durée du financement initial, il a été décidé de se concentrer sur les enfants ayant subi une chute de grande hauteur. L’objectif de cette phase est double. Il s’agit, d’une part, de caractériser la cohorte des enfants victimes de traumatisme crânien à la suite d’une chute de grande hauteur à des fins de prévention (objectif 1) et, d’autre part, de préciser les déterminants d’une évolution favorable à l’unité des soins intensifs afin de pouvoir aboutir à des recommandations au niveau de la prise en charge en phase aiguë (objectif 2)

La phase préliminaire de l’étude a consisté à identifier les enfants admis aux soins intensifs à la suite d’un traumatisme crânien et à définir les variables d’intérêt sur base des informations disponibles dans les dossiers. Durant cette phase, un dossier a été soumis au comité éthique hospitalo-facultaire des Cliniques Saint- Luc pour approbation du projet.

Population. L’examen des dossiers a permis d’identifier 6296 enfants admis aux soins intensifs pédiatriques des Cliniques universitaires Saint-Luc entre 2007-2016. Dans cette cohorte, 164 enfants ont été victimes d’un traumatisme crânien (2,60% des enfants entrés aux soins intensifs) et 36 d’entre eux, à la suite d’une chute supérieure à 2 mètres (soit 22% des enfants victimes d’un traumatisme crânien).

Variables d’intérêt. Les variables reprises dans cette étude sont synthétisées dans la Figure 1. Concernant l’objectif 1, deux catégories de variables ont été identifiées afin de caractériser la cohorte: (1) les caractéristiques de l’enfant (âge et sexe), (2) les caractéristiques de l’accident (saison, circonstances et hauteur de la chute). Concernant l’objectif 2, les données relatives à l’état de santé du patient à l’arrivée (état neurologique à l’admission et bilan des lésions) et les mesures médicales prises en phase aiguë (urgences et soins intensifs) ont été relevées dans les dossiers et mises en lien avec des données relatives à l’évolution de l’enfant à savoir, la durée du séjour aux soins intensifs et l’état neurologique à la sortie des soins intensifs. Pour faciliter la lecture, ces variables seront décrites extensivement dans le décours des analyses.

  • Premier objectif de recherche : Caractéristiques de la cohorte

Caractéristiques des enfants victimes de chutes de grande hauteur

Les résultats montrent que les enfants d’âge préscolaire sont plus à risque d’être victimes d’une chute de grande hauteur (Figure 2) . En effet, 67% des enfants admis consécutivement à ce type de chutes sont âgés de moins de 6 ans, 19% sont âgés de 6 à 12 ans et 14% sont des adolescents. Les enfants de moins de 4 ans sont particulièrement vulnérables et représentent 95% des chutes chez les enfants de moins de 6 ans. De plus, les garçons sont plus à risque que les filles puisque 69% des chutes concernent les garçons.

Plus de la moitié des chutes (55%) se produisent durant l’été mais cette proportion varie selon l’âge de l’enfant (Figure 3). Dans notre échantillon, 100% des chutes chez les adolescents ont lieu en automne/hiver et 60% (3/5) sont imputables à des tentatives de suicide. Par contraste, 87% des chutes chez les enfants d’âge préscolaire ont lieu durant le printemps/été (71% en été).

Caractéristiques de l’accident

Se basant sur la classification internationale des maladies (International classification of disease-9th Edition), 72 % des patients de notre échantillon ont chuté d’un immeuble ou d’une structure, 14% ont chuté d’un niveau à un autre, 6% ont chuté dans les escaliers et, pour 8% des patients, les circonstances de la chute ne sont pas mentionnées dans le dossier. Il est assez notable que 42% des enfants victimes de chutes sont tombés d’une fenêtre.

La Figure 4 représente la hauteur de la chute pour chaque enfant de notre échantillon. La hauteur de la chute est très variable: 50% sont tombés d’une hauteur que l’on pourrait qualifier de plus faible (< 4,5 mètres, ligne rouge) et 47% d’une hauteur très élevée (> 4,5 mètres, pour 3% la hauteur de la chute est indéterminée). La hauteur des chutes ne varie pas suivant le groupe d’âge.

  • Deuxième objectif recherche : Evolution des patients

Etat neurologie à l’admission, bilan lésionnel et mesures médicales

L’état neurologique à l’admission a été déterminé à l’aide de l’échelle pédiatrique de Glasgow qui permet d’évaluer la sévérité du traumatisme crânien en fonction du niveau de réactivité (ouverture des yeux, réponses, motrices, réponses verbales). En accord avec la littérature, trois niveaux de sévérité ont été distingués:

  • Score de 3 à 8 : traumatisme crânien sévère
  • Score de 9 à 12 : traumatisme crânien modéré
  • Score de 13 à 15 : traumatisme crânien léger

L’examen de l’état neurologique à l’admission (Glasgow) révèle que 42 % des enfants présentaient des signes d’atteinte neurologique légère, 8 % des signes d’atteinte neurologique modérée et 50% des signes d’atteinte neurologique sévère à la suite de leur chute de grande hauteur. Comme le montre la Figure 5, l’état neurologique à l’admission varie significativement en fonction de la hauteur de la chute : 76% des enfants présentent une atteinte neurologique sévère à la suite d’une chute de plus de 4,5 m. Le pourcentage passe à 28% pour les chutes de moins de 4,5 m. Plus de la moitié (55%) des enfants victimes d’une chute de moins de 4,5 m s’en sortent avec des signes d’atteinte neurologique légère.

 

Le bilan lésionnel a été dressé de façon à distinguer quatre types d’atteinte :

  • Atteinte crânienne isolée : patients ayant subi un impact crânien avec fracture(s) du crâne et/ou lésion(s) péri-cérébrale(s) et/ou lésion(s) intra-cérébrale(s) sans lésion des membres
  • Atteinte isolée au niveau des membres (inclus les fractures de la face) sans impact au niveau du crâne.
  • Atteintes combinées du crâne et des membres : patients combinant les deux types d’atteinte
  • Aucune lésion

Au niveau du bilan lésionnel (Figure 6), un petit nombre d’enfants (14%) échappe aux lésions (14%) ou présente des fractures isolées au niveau des membres (14%). Cependant, la majeure partie (72%) a subi un impact au niveau du crâne isolément ou en association avec des atteintes au niveau des membres. Les analyses statistiques ne permettent pas de montrer que l’âge de l’enfant et la hauteur de la chute influenceraient la fréquence de ces différents profils d’atteintes.

Un score de sévérité des lésions a également été calculé sur base de la typologie de Bigler et al. (2015). Celui-ci permet de quantifier les lésions sur un continuum de sévérité allant de 0 (pas de lésion) à 16 (lésions sévères). Cette typologie tient compte de la présence des éléments suivants:

  • Fracture du crâne : fracture simple (1os), facture complexe (2 os ou +), aucune fracture
  • Lésions péri-cérébrales : Hématome sous-dural, hématome extra-dural, hémorragie méningée, aucune
  • Lésions intra-cérébrales : œdème diffus, œdème localisé/contusions, Hémorragies, lésions axonales diffuses, aucune

Le tableau 1 reprend les données ayant servi à estimer la sévérité des lésions dans notre échantillon. Deux tiers des enfants présentent une fracture du crâne,

1/3 présentent des lésions péri-cérébrales et près de la moitié (47%) des lésions intra-cérébrales

Evolution du patient

Deux indicateurs de l’évolution à court terme ont été utilisés dans cette étude :

(1)          la durée du séjour aux soins intensifs (nombre de jours aux soins intensifs), (2) l’état neurologique de sortie des patients. Cette dernière variable a nécessité la recherche dans les dossiers de différents paramètres relatifs à l’état de conscience et à la motricité de l’enfant à la sortie des soins intensifs. Sur base de ces données, quatre types d’état neurologique ont pu être distingués à la sortie des soins intensifs :

  • Etat normal : 53 % des enfants présentent un examen neurologique dans les limites de la normale
  • Etat intermédiaire : 31 % des enfants présentent un état d’éveil et/ou de conscience fluctuant, et/ou atteinte focale de la motricité (hémiplégie, hémiparésie, etc …)
  • Etat altéré : 5% des enfants présentent une atteinte sévère de la conscience, et/ou de l’éveil, et/ou de la motricité générale (quadriplégie, locked in syndrome, etc …)
  • Décès : 11%

Les analyses montrent que la durée du séjour à l’USI et la durée de ventilation ne varient pas suivant la sévérité du bilan lésionnel mais selon l’état neurologique à l’admission. Comme le montre la Figure 6, les enfants souffrant d’un traumatisme crânien sévère passent en moyenne deux fois plus de temps (six jours en moyenne) aux soins intensifs que les enfants présentant une atteinte neurologique légère ou modérée (Figure 6)

La figure 7 présente la répartition des enfants en fonction de leur état neurologique à l’admission et à la sortie des soins intensifs. Il apparaît clairement que l’état neurologique de sortie de l’enfant est influencé par son état neurologique à l’admission. Parmi les enfants souffrant de traumatisme crânien léger/modéré, 80% sortent des soins intensifs avec un état neurologique normal. En revanche, seul 28 % des enfants avec traumatisme crânien sévère sortent des soins intensifs avec un état neurologique normal.

Il apparaît également que l’état neurologique de sortie varie selon la hauteur de la chute (Figure 8). Cependant, cet effet disparaît si on tient compte du bilan lésionnel ou de l’état neurologique à l’admission. L’état neurologique de sortie est donc moins lié à la hauteur de la chute en elle-même qu’au type de lésion et à l’état neurologique à l’admission.

4. Synthèse des résultats

Concernant l’objectif 1, les caractéristiques de la cohorte des enfants victimes de chute de grande hauteur et des circonstances de l’accident permettent d’appuyer une série de recommandations en matière de prévention. Ces données soulignent la nécessité de sécuriser des logements susceptibles d’accueillir des enfants et en particulier les immeubles et les fenêtres. Cette recherche révèle certaines caractéristiques des enfants les plus exposés aux chutes de grande hauteur et donne donc des indications sur la population à cibler à savoir, les enfants de moins de 4 ans et en particulier les garçons. Enfin, il apparaît que les messages de prévention devraient cibler certaines périodes clé de l’année selon l’âge de l’enfant afin d’optimiser leur efficacité. Ainsi, les messages relatifs à la prévention des accidents domestiques devraient être préférentiellement délivrés avant l’été alors que les messages de prévention ciblant le public adolescent (notamment en matière de prévention au suicide) devraient être diffusés durant l’automne.

 

Concernant l’objectif 2, les données relatives à l’état de santé du patient à l’arrivée (état neurologique à l’admission et bilan des lésions) analysées dans cette étude rétrospective nous donnent une meilleure connaissance des variables qui influencent l’évolution neurologique du patient en phase aiguë. Les analyses montrent que l’état neurologique à l’admission influence non seulement la durée du séjour aux soins intensifs et le nombre d’heures sous ventilation, mais aussi l’état neurologique de sortie des soins intensifs. Il apparaît également que la nature et la sévérité des lésions sont également des déterminants importants de l’état neurologique de sortie des soins intensifs. La Figure 9 schématise les interactions mises en évidence entre les différentes variables étudiées dans le cadre de cette étude rétrospective.

5. Perspectives

Cette étude rétrospective a permis de dégager un certain nombre de caractéristiques quant à l’état de santé des enfants à leur admission aux soins intensifs à la suite d’une chute de plus de 2 mètres.

Ainsi, il apparaît que les lésions péri-et intracérébrales sont associées à des fractures du crâne et/ou de la face. En l’absence de ce type de lésion (c’est à dire, en cas de lésions isolées des membres ou lorsque l’enfant ne présente pas de lésion au niveau du crâne, de la face ou des membres), le risque de lésions cérébrales est très réduit. En outre, l’état neurologique du patient à l’admission s’avère être un bon indicateur de la sévérité des lésions cérébrales. Par ailleurs, le risque de lésions cérébrales (péri- et Intra-) associées à une fracture du crâne est majoré dans les cas de chutes de grande hauteur. Il y a davantage de fractures isolées du crâne (sans lésions cérébrales) en cas de chutes de moins de 4,5 mètres.

Enfin, il est à noter que peu de lésions nécessitent d’intervenir sur le plan neurochirurgical en phase aiguë. Cette étude rétrospective permet donc d’avoir une meilleure connaissance des lésions consécutives à un traumatisme crânien lié à une chute supérieure à 2 mètres.

6. Clôture du projet de recherche

La fondation Laly espère avoir apporté en finançant ce projet une petite part de compréhension face à un sujet extrêmement vaste.

Evidemment, nous aurions préféré apporter des solutions plus « pratico-pratiques ». Seulement nous nous sommes rendu compte qu’il y avait un réel manque de précision et d’échange d’information concrètes concernant ces dossiers médicaux: tels que l’absence du nom des médicaments ayant été utilisés, certaines données expliquant le contexte de l’accident et l’insuffisance d’autres données qui réduisaient fortement le champ de recherche et l’identification de recoupements pertinents potentiels.

 

Toutefois, comme nous l’avons appris , le domaine de la recherche demande de la patience et une étude rétrospective telle que celle-ci était nécessaire comme point de départ afin de pouvoir ultérieurement partir d’un postulat d’analyse clair.

Les conclusions tirées de cette étude seront publiées et nous espérons que la recherche effectuée ici servira à de nombreux chercheurs.

Nous continuerons bien évidemment à financer des projets de recherche sur le sujet du traumatisme crânien mais en attendant et afin d’éviter tout accident, n’hésitez pas à consulter notre maison sécurisée en ligne.

 

7. Consultez le rapport de recherche complet

Vous trouverez ci-dessous et en PDF le rapport officiel ayant été établi par la chercheuse Madame Lise Desmottes.

Rapport de recherche Fondation Laly

Nous vous en souhaitons bonne lecture.